9 juil. 2015

[Fr] Le palindromadaire et autres poèmes de U. K. Le Guin ¤ [En] The Palindromedary and other poems by U. K. Le Guin

Ursula K.Le Guin ¤ Photo : Marian Wood Kolisch

[Fr]

[En]

Les amateurs de science-fiction, de fantasy et de fantastique la connaîtront sûrement, d’autres peut-être reconnaîtront son nom.
Née en 1929, Ursula Kroeber Le Guin est un auteur américain de renom, récompensée à maintes reprises.

Pour la petite anecdote, il n’est pas inintéressant de préciser que si la science-fiction ou le fantastique ne trouvèrent aucune place dans la thèse qu’elle présenta en 52 – Les idées de la mort dans la poésie de RonsardUrsula K. Le Guin écrivit sa toute première histoire fantastique à l’âge de 9 ans et sa première histoire de science-fiction soumise à publication dans le magasine Astounding Science Fiction à l’âge de 11 ans.

Science fiction and fantasy lovers know her for sure, others might recognize her name.
Born in 1029, Ursula Kroeber Le Guin is a famous American writer, prized on many occasions.

A tidbit of information, just for the sake of it, it is not uninteresting to pinpoint that while science fiction and fantasy held no place in the thesis she presented in ’52 Ideas of Death in Ronsard’s PoetryUrsula K. Le Guin wrote her very first science fiction story at age 9 and her very first fantasy story to be submitted to publication int the magazine Astounding Science Fiction at age 11.

[v26 #2, October 1940] ed. JOHN Wood CAMPBELL Jr. (1910-1971)

Influencée par des auteurs tels que J. R. R. Tolkien, Philip K. Dick, Léo Tolstoï, les sœurs Brontë et Virginia Woolf, Ursula K. Le Guin s’inspira également d’histoires pour enfants, de la mythologie nordique et des traditions orientales.
Elle inspirera à son tour d’autres grands noms de la littérature tels que Neil Gaiman, Ian Banks, Salman Rushdie et David Mitchell.

Les 4 poèmes choisis sont tirés des œuvres disponibles en ligne sur le site même de l’auteur. Les traductions françaises me sont toutes propres.

Influenced by authors such as J. R. R. Tolkien, Philip K. Dick, Leo Tolstoy, the Brontë Sisters and Virginia Woolf, Ursula K. Le Guin took her inspiration from children’s literature, Norse mythology and Eastern traditions.
In turn, she herself influenced such great names of literature as Neil Gaiman, Ian Banks, Salman Rushdie and David Mitchell.

The 4 chosen poems are works available online on the writer’s own website. All French translations are entirely mine.
Source

De palindrome je ne veux point écrire

Le palindromadaire mélancolique,
arbitraire et symétrique,
ne peut déserter le désert, ne peut rôder,
va et vient le pas lourd mais jamais n’atteint le home.
Le boustrophédon de l’esprit suscite la panique.
Je ne veux point écrire de palindrome.

Février 2009

A palindrome I do not want to write

The mournful palindromedary,
symmetrical and arbitrary,
cannot desert the desert, cannot roam,
plods back and forth but never reaches home.
Mental boustrophedon is scary.
I do not want to write a palindrome.

February 2009



Imitations

Pourquoi donc ai-je envie de crier ?
Corneille, corneille, dis-moi.

Une ombre me passe sous le nez
Les saules m’appellent, moi.

Pourquoi une vieille femme pleurerait-elle ?
Saule, dis-moi, saule.

Les corneilles ont traversé mon sommeil.
Je crie et m’en fais l’écho.

Novembre 2006.
Imitations

Why is it I want to cry?
Crow, crow, tell me.

There is a shadow passing by.
The willows call me.

Why would an old woman weep?
Willow, tell me, willow.

Crows went flying through my sleep.
I cry and follow.

November 2006


Apprendre le nom
(pour Bette)

Le givre des bois, c’est cela ! A présent je sais
qui chante ce clair arpège,
trois notes lointaines se tissant
au couchant
entre branchages
et obscurité ;

ou à l’aube dans les bois, j’ai entendu
ce triple mot au doux crescendo
résonner au-dessus
du paisible cours d’eau –
sans avoir jamais vu
l’oiseau.

Novembre 2006

Learning the Name
(for Bette)

The wood thrush, it is! Now I know
who sings that clear arpeggio,
three far notes weaving
into the evening
among leaves
and shadow;

or at dawn in the woods, I've heard
the sweet ascending triple word
echoing over
the silent river —
but never
seen the bird.

November 2006


Toute terre
(d’après un dicton de Black Elk [Elan noir])

Regarde où les branches des saules se courbent
Observe où les eaux de rivières se tournent
Les cercueils dans la roche, les berceaux dans le sable
Toute terre est Terre sainte

Ici se tint la bataille jusqu’au dénouement
Ici est l’endroit où l’opposant tua le partisan
Le sang sur la roche, les larmes sur le sable
Toute terre est Terre sainte

Sous le vent, le saule au bord de l’eau se ploie
Se ploie jusqu’à se briser et ne plus se tenir droit
Ecoute le mot que les messagers envoient
La vie telle la roche brisée, la mort telle le sable
Toute terre est Terre sainte.

November 2006

Every Land 
(From a saying of Black Elk)

Watch where the branches of the willows bend
See where the waters of the rivers tend
Graves in the rock, cradles in the sand
Every land is the holy land

Here was the battle to the bitter end
Here's where the enemy killed the friend
Blood on the rock, tears on the sand
Every land is the holy land

Willow by the water bending in the wind
Bent till it's broken and it will not stand
Listen to the word the messengers send
Life like the broken rock, death like the sand
Every land is the holy land

November 2006

8 avr. 2015

[Fr] Invictus et autres poèmes de W. E. Henley ¤ [En] Invictus and Other Poems of W. E. Henley

[Fr]

[En]

Né le 23 Août 1849, William Ernest Henley meurt le 11 Juillet 1903 de la tuberculose dont  il souffre depuis ses 12 ans.

A l’exception peut-être des aficionados de la littérature anglaise ou la vie de Nelson Mandela, le nom de William Ernest Henley n’évoquera probablement rien au lecteur français, pas même son poème le plus connu : Invictus.

Pour la petite anecdote, en 1875, après l’amputation sous genoux de sa jambe gauche,  Henley s’est opposé à l’amputation de sa seconde jambe. Elle sera sauvée par la suite grâce aux soins du chirurgien Joseph Lister.
Le poème est écrit lors de sa convalescence mais ne sera publié qu'en 1888, et comme chacun de ses poèmes, il n’a pas de titre. Il s’agit en fait d’un ajout de l’éditeur Arthur Quiller-Couch lors de la publication de son anthologie de poésie anglaise en 1900 : The Oxford Book of English Verse, 1250-1900.

Born on August 23rd 1849, William Ernest Henley died on July 11th 1903 of tuberculosis from which he suffered since age 12.

With maybe the exception of the aficionados of the English literature or of Nelson Mandela’s life, the name of William Ernest Henley is unlikely to remind anything to a French reader, not even his best known poem: Invictus.

On a side note, in 1875, after the amputation of his left leg below the knee, Henley went against the amputation of his other leg. It was saved later on thanks to the surgeon Joseph Lister.
The poem was written when convalescing but will only be published in 1888, and like any of his poems, it was untitled. The title is actually an addition made by editor Arthur Quiller-Couch with the publication of his anthology of English poetry in 1900: The Oxford Book of English Verse, 1250-1900.



Invictus - William Ernest Henley (by Alan Bates)
TV-Commercial Series "Poems 1997", which has been broadcasted on CNN.


En 1883, Henley inspire à son ami Robert Louis Stevenson le personnage de Long John SilverL’île au trésor.

En 1904, à son tour, Margaret, la fille de Henley morte en 1894 des suites d’une méningite à l’âge de 5 ans, inspire à James Matthew Barrie le personnage de WendyPeter Pan, publié sous forme de roman en 1911. Elle l’appelait Fwendy-wendy.

In 1883, Henley inspired his friend Robert Louis Stevenson to create the Long John Silver character – Treasure Island.

In turn, in 1904, Margaret, the daughter of Henley deceased in 1894 of meningitis at age 5, inspired James Matthew Barrie to create the Wendy character – Peter Pan, published as a novel in 1911. She used to call him Fwendy-wendy.

William Ernest HenleySculpture de Auguste Rodin - 1886

En 1898 est publiée la première édition d’un recueil regroupant l’ensemble des poèmes de William Ernest Henley : Poems – A Book of Verses – London Voluntaries.

Ce recueil se divise en 5 parties : In Hospital, Bric-à-brac, Echoes, London Voluntaries, Rhymes and Rhythms.

Les 4 poèmes choisis qui suivent sont tous tirés de Echoes. Les traductions françaises me sont toutes propres.

In 1898 was published the first edition of a collection gathering all of William Ernest Henley’s poems together: Poems – A Book of Verses – London Voluntaries.

This collection is divided in 5 parts: In Hospital, Bric-à-brac, Echoes, London Voluntaries, Rhymes and Rhythms.

The 4 chosen poems below are all taken from Echoes. The French translations are entirely mine.


IV ¤ Invictus (1875)

Du cœur de la nuit qui me drape,
  Noire comme l’Abîme d’un pôle à l’autre,
Je remercie les dieux quels qu’ils puissent être
  Pour mon âme invulnérable.

Soumis aux cruelles conjonctures
  Je n’ai ni grimacé ni ne me suis écrié.
Sous les soufflets de la fortune
  Ma tête est ensanglantée, mais haute dressée.

Delà ce lieu d’ire et de larmes,
  Ne sourd que l’Horreur de la sombreur,
Et pourtant la menace de l’âge
  Ne trouve, et ne trouvera, en moi nulle peur.

Qu’importe l’étroitesse du passage,
  Les maints châtiments du parchemin.
Je suis le maître de mon destin :
  Je suis le capitaine de mon âme.

Out of the night that covers me,
  Black as the Pit from pole to pole,
I thank whatever gods may be
  For my unconquerable soul.

In the fell clutch of circumstance
  I have not winced nor cried aloud.
Under the bludgeonings of chance
  My head is bloody, but unbowed.

Beyond this place of wrath and tears
  Looms but the Horror of the shade,
And yet the menace of the years
  Finds, and shall find, me unafraid.

It matters not how strait the gate,
  How charged with punishments the scroll.
I am the master of my fate:
  I am the captain of my soul.


V (1875)

Je suis la Faucheuse.
Toute chose au crochet aux aguets
Silencieuse il me semble.
Les pâles roses caressées par le printemps,
Les hauts épis de blé en été,
Les fruits riches de l’automne, et les fleurs du frêle hiver –
Faucher, faucher encore –
Toute chose au crochet aux aguets
Opportune il me semble.

Je suis le Semeur.
Toute la vie désincarnée
Passe par ma toile à grains.
L’atome à l’atome marié,
Chacun exaltant l’autre,
Glisse entre mes doigts, toujours différent, toujours identique.
Sans cesse semer,
La vie, l’incorruptible vie,
S’écoule de ma toile à grains.

Créateur et briseur,
Je suis la crue et la décrue,
L’Instant et l’Instant d’Après,
Précipités entre les lacis et les volutes
De l’infinie nature,
Aveugle et silencieux je façonne tout être.
Preneur et donneur,
Je suis le ventre de la mère et la sépulture,
Le Temps Présent et le Sempiternel.


I am the Reaper.
All things with heedful hook
Silent I gather.
Pale roses touched with the spring,
Tall corn in summer,
Fruits rich with autumn, and frail winter blossoms—
Reaping, still reaping—
All things with heedful hook
Timely I gather.

I am the Sower.
All the unbodied life
Runs through my seed-sheet.
Atom with atom wed,
Each quickening the other,
Fall through my hands, ever changing, still changeless.
Ceaselessly sowing,
Life, incorruptible life,
Flows from my seed-sheet.

Maker and breaker,
I am the ebb and the flood,
Here and Hereafter,
Sped through the tangle and coil
Of infinite nature,
Viewless and soundless I fashion all being.
Taker and giver,
I am the womb and the grave,
The Now and the Ever.


XXIV (1876)

La vastitude de la mer se déchaîne et tonne
  Dans la gloire et l’allégresse.
Ô, m’ensevelissez point dans la terre insensible
  Mais dans la mer pétrie de vie !

Ah, ensevelissez-moi là où elle jaillit
  A un millier de lieux de la grève,
Et dans son intranquillité fraternelle
  Je vagabonderai à jamais.


The full sea rolls and thunders
  In glory and in glee.
O, bury me not in the senseless earth
  But in the living sea!

Ay, bury me where it surges
  A thousand miles from shore,
And in its brotherly unrest
  I’ll range for evermore.



XXXI (1877)

Ô, avez-vous béni, au-delà des astres,
  L’éclat bleuté dans les cieux,
Quand Juin les roses autour d’elle s’exclame ? —
Discernez-vous alors la lueur qui choit
  De ses bien-aimés yeux.

Et avez-vous éprouvé ce sentiment  de paix
  Que procurent les matutinales prairies ? —
Discernez-vous alors l’esprit de grâce,
L’ange indulgent sur son visage,
  Qui rend agréable la vie.

Elle brille devant moi, rêve et espoir,
  Si belle, si calme, si sage,
Que, la conquérant, je semble conquérir
Delà la terre et le travail et le tapage,
  Un bout de Paradis.
O, have you blessed, behind the stars,
  The blue sheen in the skies,
When June the roses round her calls?—
Then do you know the light that falls
  From her belovèd eyes.

And have you felt the sense of peace
  That morning meadows give?—
Then do you know the spirit of grace,
The angel abiding in her face,
  Who makes it good to live.

She shines before me, hope and dream,
  So fair, so still, so wise,
That, winning her, I seem to win
Out of the dust and drive and din
  A nook of Paradise.


28 janv. 2015

[Fr] 6 poèmes choisis d'Emily Dickinson ¤ [En] 6 Chosen Poems Of Emily Dickinson


[Fr]

[En]

Pour faire bref, Emily Elizabeth Dickinson, dite Emily Dickinson, est l’une des poétesses américaines les plus connues du 19ème siècle et a pour ainsi dire vécu toute sa vie à Amherst, Massachusetts (10 décembre 1830 – 15 mai 1886). Cadette d’une fratrie de trois, si elle répugnait à recevoir qui que ce soit cela ne l’empêchait pas d’entretenir des amitiés par correspondance.

Pour la petite anecdote, outre son penchant pour les vêtements blancs, Emily Dickinson n’avait publié que très peu de poèmes de son vivant, moins d’une douzaine sur près de mille huit cents, autant dire une broutille.
To keep it short, Emily Elizabeth Dickinson, known as Emily Dickinson, is one of the most famous American poetesses of the 19th century and lived her whole life as it were in Amherst, Massachusetts (December 10, 1830 – May 15, 1886). Second of three siblings, if she was reluctant to receive anyone it didn’t prevent her from carrying out friendships by correspondence.

On a side note, besides her having a liking for white clothing, Emily Dickinson only ever published but a few of her poems in her lifetime, less than a dozen out of nearly a thousand and eight hundreds poems, that is to say a mere trifle.

Emily Dickinson's daguerreotype circa 1847
Source: Amherst College Archives & Special Collections
Si dès 1890, parties de son œuvre furent publiées par deux de ses connaissances – Thomas Wentworth Higginson (1823 – 1911), son mentor et Mabel Loomis Todd (1856 – 1932) – ses poèmes ont été largement modifiés voire réécrits pour correspondre aux standards de ponctuation et de majuscule de la fin 19ème siècle.

Entre 1914 et 1945, Martha Dickinson Bianchi (1866-1943) a publié plusieurs recueils en s’appuyant sur les manuscrits de sa tante conservés par sa famille, tandis que Millicent Todd Bingham (1880-1968) elle s’est basée sur les manuscrits par sa mère Mabel Loomis Todd. Cependant, les poèmes sont encore largement modifiés.

Grâce à un travail rigoureux de Thomas Herbert Johnson, c’est en 1955 que fut publiée une première édition complète et rigoureuse en trois volumes des poèmes d’Emily Dickinson : The Poems of Emily Dickinson (1775 poèmes).
Les poèmes sont quasiment sous leur forme originale et conservent ainsi les spécificités propre à la poétesse : tirets, majuscules irrégulières, style souvent extrêmement elliptique. Ils n’ont pas de titre et sont numérotés selon un ordre chronologique approximatif. Il reste toutefois quelques traces des modifications apportées par Todd et Higginson.

C’est enfin en 1998 que Ralph W. Franklin a publié l’édition la plus complète en trois volumes également de l’œuvre d’Emily Dickinson : The Poems of Emily Dickinson, Variorum Edition (1789 poèmes).
Les poèmes sont sous leur forme originale, retranscrits via fac-similés et numérotés suivant leur ordre chronologique.

If from 1890, parts of her works were published by two acquaintances of hers – Thomas Wentworth Higginson (1823 – 1911), her mentor and Mabel Loomis Todd (1856 – 1932) – her poems were extensively edited if not rewritten in order to match the punctuation and capitalization standards of the late 19th century.

Between 1914 and 1945, Martha Dickinson Bianchi (1866-1943) published many collections based on the manuscripts of her aunt kept by her family, whereas Millicent Todd Bingham (1880-1968) based her collections on the manuscripts kept by her mother Mabel Loomis Todd. However, the poems are still extensively edited.

Thanks to a scholarly work of Thomas Herbert Johnson, the first complete and thorough three-volume edition of Emily Dickinson’s poems was published in 1955: The Poems of Emily Dickinson (1775 poems).
The poems were nearly in their original form and therefore held the peculiar specificities of the poetess: dashes, irregularly capitalizations, often extremely elliptical style. They have no title and are numbered in an approximate chronological order. Yet, traces of the edited version of Todd and Higginson still remain.

It’s finally in 1998 that Ralph W. Franklin published the most complete edition of Emily Dickinson’s work, also a three-volume edition: The Poems of Emily Dickinson, Variorum Edition (1789 poems).
The poems are in their original form, transcribed from facsimiles and numbered according to their chronological order.
Voici six poèmes choisis d’Emily Dickinson, chacun est précédé de la numérotation de Franklin, l’année établie par Franklin et de la numérotation de Johnson. Ils ont tous été écrits à Amhrest, Massachusetts.
La traduction française m'est entièrement propre, je n'ai lu aucune des traductions déjà existantes.

Here are six chosen poems of Emily Dickinson’s, each preceded by the Franklin numbering, the year established by Franklin and the Johnson numbering. All of them were written in Amhrest, Massachusetts.
The French translation is entirely mine, I have read none of the already existing translations.


Emily Dickinson Archives If Those I Loved Were Lost ¤ Fr20, 1858 (J29)
 partial view of the facsimile
Fr20, 1858 (J29)

Si ceux que j’aimais étaient perdus
La voix du Crieur m’alerterait —
Si ceux que j’aimais étaient retrouvés
Les cloches de Gand sonneraient —

Ceux que j’aimais seraient-ils au repos
La Pâquerette m’orienterait.
Philippe — alors que troublé
Avec lui son mystère emportait !
If those I loved were lost
The Crier's voice would tell me—
If those I loved were found
The bells of Ghent would ring—

Did those I loved repose
The Daisy would impel me.
Philip—when bewildered
Bore his riddle in!


Fr137, 1860 (J74)

Une Dame rouge — au milieu de la Colline
Son secret annuel conserve !
Une Dame blanche, au sein du Champs
Dans un Lys placide sommeille !

Les Brises ordonnées, avec leurs Genêts—
Balayent val — colline — arbre!
Fi donc, Mes belles Compagnes !
Quel attendu ce peut-il être ?

Les voisins n’ont encore nul soupçon !
Les bois échangent un sourire !
Verger, Bouton d’Or, Oiseau —
En un moment si réduit !

Pourtant, quelle paix sur le Paysage règne !
Quelle nonchalance sur la Haie !
Comme si la « Résurrection »
N’était rien de très extraordinaire !

A Lady red—amid the Hill
Her annual secret keeps!
A Lady white, within the Field
In placid Lily sleeps!

The tidy Breezes, with their Brooms—
Sweep vale—and hill—and tree!
Prithee, My pretty Housewives!
Who may expected be?

The neighbors do not yet suspect!
The woods exchange a smile!
Orchard, and Buttercup, and Bird—
In such a little while!

And yet, how still the Landscape stands!
How nonchalant the Hedge!
As if the "Resurrection"
Were nothing very strange!

Emily Dickinson Archives
A Slash of Blue! A Sweep of Gray! ¤ Fr233, 1861 (J204)

Fr233, 1861 (J204)

Balafre de Bleu ! Étendue de Gris !
Quelques macules écarlates — de passage —
Composent un Ciel à la Tombée du Jour —

Une pointe de pourpre — immiscée çà et là —
Quelques Pantalons Garance — empressés —
Vague d’Or — Berge d’une Journée —
Ceci forme juste le Ciel à la Pointe du Jour !
A slash of Blue! A sweep of Gray!
Some scarlet patches — on the way —
Compose an Evening Sky —

A little purple — slipped between —
Some Ruby Trousers — hurried on —
A Wave of Gold — A Bank of Day —
This just makes out the Morning Sky!


Fr278, 1862 (J1212)

Un mot périt une fois dit
D’aucuns disent —

Je dis que sa vie a tout juste commencé
Ce jour-là.
A word is dead when it is said
Some say —

I say it just begins to live
That day.


Fr579, 1863 (J683)

L’Âme envers elle-même
Est une impériale amie —
Ou l’Espion le plus moribond —
Que pourrait envoyer — un Ennemi —

Prémunie contre la sienne —
Nulle traîtrise elle ne saurait craindre —
Elle-même — sa Souveraine — Face à elle-même
L’Âme doit faire montre de Révérence —

The Soul unto itself
Is an imperial friend —
Or the most agonizing Spy —
An Enemy — could send —

Secure against its own —
No treason it can fear —
Itself — its Sovereign — Of itself
The Soul should stand in Awe —



Fr1109, 1866 (J1079)

Le Soleil descendit — nul Homme regarda —
La Terre et Moi, seules,
Étions présentes à la Majesté —
Il triompha, et s’en alla —

Le Soleil s’éleva — nul Homme regarda —
La Terre et Moi et Unique
Un Oiseau sans nom — un Etranger
Furent les Témoins de la Couronne —
The Sun went down — no Man looked on —
The Earth and I, alone,
Were present at the Majesty —
He triumphed, and went on —

The Sun went up — no Man looked on —
The Earth and I and One
A nameless Bird — a Stranger
Were Witness for the Crown —





Further readings: